02 / 08 - 02 : 17 - Vacance, vacances, vacuité, disponibilité, congé, vide, interruption, congé, liberté (extraits du dico des synonymes)…

Publié le par Luigi MANATA

 
Bonjour Mélusine,
 

Voilà je suis arrivé et déjà je me demande ce que je fais là… Ma dernière conversation avec Hestia a été, encore une fois, à sens unique et j'en garde un goût amer. A la colère, succèdent la tristesse et l'impression tenace d'un effroyable gâchis, en face duquel je n'arrive pas à abdiquer. J'y ai tellement cru, j'ai tellement cru que c'était "elle"… Oui je sais, croire n'est pas avoir, ni être ; mais c'est ainsi, c'est douloureux et sûrement encore plus à 43 ans quand on n'a pas d'enfant. Je crois que je fais le syndrome des "réplicants" dans "Blade Runer", une espèce d'angoisse existentielle profonde sur la mort, la continuité et le sens de mon passage sur cette terre. Tu sais, malgré tout ce que j'ai fait dans ma vie (et tu n'en a eu qu'un très bref aperçu, car malheureusement j'ai été très précoce en tout : dans la rue à 7 ans, … tour d'Italie en auto-stop seul à 13 ans, … viré du lycée à cause de mon activisme politique à 16 ans, … animateur de groupe de 400 personnes à 22 ans, … première direction d'entreprise à 26 ans, ...), je ne peux pas m'empêcher de sentir qu'au fond je ne laisserai rien sur cette terre. A ce moment là, ce sont les dernières paroles du "réplicant" qui me viennent : "Quelle expérience de vivre dans la peur. Voilà ce que c'est de vivre en esclave. J'ai vu tant de chose que vous humains ne pourriez pas croire (…) Tous ces moments se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir." Je sais, c'est vraiment trop mélo, mais c'est la vérité de certains de mes instants…

 

C'est sûr les "enjeux" amoureux ne sont pas les mêmes quand on arrive à mon âge et qu'on n'a pas encore vécu la paternité. Rien ne me fait plus fondre que de voir des parents aimant leurs enfants, que de voir ces petits regards tournés vers leurs géniteurs en attente d'amour et du sens de leur vie.

Alors malgré moi, je vis tout nouvel échec avec une femme comme une fin définitive, une perte du sens, une utilisation stérile du temps, une remise en cause de ce qu'il y a de plus vivant en moi… Il est probable que le jour où je serai père, j'arriverai à me détendre un peu plus avec les femmes… Il est probable que ce désir viscéral fausse le plus souvent la relation, face à des femmes qui ont déjà fait ce parcours. Et malheureusement, plus je prends de l'âge et plus très logiquement les écarts s'aggravent.

Mon impatience devient perceptible, ma peur de l'échec palpable et ma béance envahissante, pour elles.

Elles attribuent généralement cela à quelques défauts caractériels, à une immaturité psychologique. Alors que ce n'est que mon désir de partager avec elle ce qu'il y a de plus beau, de plus tangible, dans une relation de couple : transmettre à quelqu'un le relais avec un peu plus d'amour que nous n'en avons reçu nous-mêmes, pour que tout ce que nous avons vécu ne soit pas perdu pour tout le monde ; et non accessoirement pour dépasser le cercle étroit du couple par un acte qui lui donne un sens qui le dépasse…

 

Peut-être que c'est ça, cette attente énorme, ce désir inachevé, que les femmes repèrent en moi.

Au début d'ailleurs, je crois que c'est une partie importante de l'attirance mutuelle. Je sens et j'aime en elles ce qu'elles sont, mais aussi leur capacité à être de "bonnes mères" ; et elles sentent en moi cette reconnaissance. Probablement que nous nous "accrochons" de cette façon. Mais peut-être que c'est pour ça également qu'elles finissent par avoir peur : personne n'a envie d'être également aimé pour combler une béance. Quelle responsabilité étouffante, de quelle mission impossible se sentent-elles investies ?... Mon "attente", rarement clarifiée, leur pèse et les quiproquos ne sont jamais loin… Comment leur faire sentir, que je ne cherche pas une mère pour moi, mais quelqu'un qui m'aimerait assez pour me révéler père... Oui, la femme a un grand pouvoir à cet endroit là. Oui, c'est sûr, l'homme est d'une grande faiblesse et d'une grande dépendance à cet endroit là, et moi peut-être plus que tous les autres. Malgré tous mes efforts pour leur montrer que j'aime tout en elles, être aimé également pour sa capacité à être mère a dû en faire fuir plus d'une.

Hestia me faisait fondre d'amour quand elle prenait un bébé dans ses bras ou quand après avoir fait l'amour elle me murmurait langoureusement et tristement : "tu te rends compte tous ces petits Manata perdus…".

Au début, compte tenu de sa situation (elle attendait son jugement de divorce et tout était très difficile pour elle), c'est moi qui devais la ramener à la réalité raisonnable. Après, c'est moi qui ai eu une période troublée et très difficile (quand mes associés m'ont b…, j'avais alors 4 procès en cours qui me plongeaient dans des états de déprime et de colère sans fond). Puis, quand tout aurait pu devenir possible, elle s'était échappée ailleurs. Encore aujourd'hui, je ne sais pas comment elle a perdu son désir, comment j'ai fait pour la perdre. Qu'est-ce que je n'ai pas dit pas fait, qu'est-ce qu'elle imagine que je suis, qu'est-ce que je suis, qu'elle n'arrive pas ou plus à aimer ? Mais peut-être qu'elle ne m'a jamais vraiment aimé, qu'elle m'a juste utilisé pour sortir de sa précédente relation. Comme toutes ces personnes qui ont besoin de tenir une nouvelle branche avant de lâcher celle qu'elles tiennent… J'en arrive à avoir parfois l'amer sentiment que dans ma vie j'ai souvent été utilisé par des femmes qui trouvaient en moi l'écoute compréhensive et aimante, dont elles avaient besoin pour se regonfler… et pour partir ailleurs…

Je revis, relation après relation, la douleur de la sortie d'un Paradis originel, en me demandant à quel moment et pourquoi l'un des deux a mangé la pomme… C'est con de dire ça comme ça, parce que chaque histoire avait ses singularités et que je n'aime pas généraliser. Mais de mon seul point de vue, je finis par me demander si c'est une fatalité de ma vie, que tout amour qui devient possible finisse par se briser ? Trop de questions sans réponse…

 

Excuse-moi de te parler de cela à toi, de m'épancher… toi qui cherches et qui attends qu'un homme te découvre tu tombes sur un type qui "se découvre" ; mais il ne serait pas sain que je fasse semblant, alors que je ressens le monde comme un effroyable labyrinthe qui s'ingénie à me conduire à des impasses, juste après m'avoir montré la sortie.

D'ailleurs, puisque tu fais des statistiques et des probabilités, explique-moi pourquoi nous rencontrons plus de personnes mauvaises pour nous, que l'inverse… et pourquoi tant de gens a priori biens, sont seuls… Ou encore, pourquoi il y a tant de femmes qui rendent pères des hommes qui ne le souhaitent pas… alors que moi je rame depuis 20 ans pour en trouver une… Et quand j'en trouve, je les perds… Tu crois que je le fais exprès ? Ça rentre dans les critères statistiques ça ?...

 

Je suis arrivé la nuit dernière et après une courte nuit, j'ai traîné toute la journée, à réparer toutes les petites choses qui se dégradent dans la maison de ma mère. J'ai joué au Spider, avec ces gestes machinaux et compulsifs, en fumant comme un pompier, jusqu'à en oublier le temps qui passe, jusqu'à m'en oublier moi-même. Pour comble, j'ai totalement raté la bolognaise (les pâtes pas l'habitante de Bologne…) que je me suis mitonnée, ce qui ne m'arrive que très rarement.

 

Tu vois rien de spécial, rien de grandiose, rien pour t'étonner avec ma "riche personnalité". Un Zorro fatigué et un concombre démasqué qui a plutôt l'air d'une endive cuite ayant séjourné quelques jours au frigo. Mais c'est souvent comme ça mes débuts de vacances (et des fois ça dure…).

 

Demain entre deux orages, j'irai faire voler un des cerfs-volants que j'ai réparé aujourd'hui et je me demanderai sûrement pourquoi je ne partage pas cet instant avec quelqu'un que j'aime. Et au fond je continuerai à me demander, à me torturer, sans arriver à trancher, si c'est à cause de moi ou de ce monde qui "sépare les gens qui s'aiment".

 

Mon leitmotiv en ce moment c'est que tout ça est un effroyable gâchis de vies… Mais bon, c'est assez pour les idées noires… d'autant que les rêves que j'ai faits la nuit dernière n'étaient pas mal non plus. C'est drôle comme je me remets à me souvenir de mes rêves dès que je suis en vacances. Comme quoi, il va devenir urgent que je me sépare de ces occupations sociales qui me coupent de mes rêves.

 

Je suis moi aussi issu d'une famille italienne ("e come mai non parli italiano ?") d'émigrants d'après guerre. Mon père était aussi un communiste stalinien pur sucre, héros de la guerre dans la résistance (je n'ai découvert cela qu'à l'âge de 18 ans) et qui n'a rien trouvé de mieux que de fuir la reconnaissance infinie que les gens avaient pour lui, en s’exilant en France. Je pense aujourd'hui que c'était impossible pour lui d'assumer d'être aimé et admiré… Et pendant tout ce temps, j'ai vécu sans comprendre le décalage qui existait entre mon quotidien de violence et l'admiration béate que ma famille italienne portait à mon père. Ma mère est la bonne mamma de base qui entre trois crises d'hystéries terrifiantes et les saloperies qu'elle débitait en continu sur mon père, disait qu'elle ne vivait que pour ses enfants. Avoir le sentiment perpétuel d'être responsable de la vie ou de la mort de sa mère est une mission impossible à assumer sans quelques séquelles pour un petit garçon…

Je connais par cœur "Padre Padrone" et je suis aussi issu de cette violence là. Celle où l'amour côtoie la mort à chaque instant, celle où on ne sait jamais si la main qui se lève va caresser ou frapper, … ti amo, ti ammazzo, (je t'aime, je te tue)… les injonctions paradoxales qui finissent par te faire douter de tout, par rendre fou.

 

D'ailleurs, je ne suis pas passé loin, à 16 ans j'ai fait une descente aux enfers sur fond de zone anarcho-syndicaliste, de drogues diverses et variées, et de "peace and love". J'en suis ressorti totalement déstructuré. Depuis j'ai fait un long chemin thérapeutique que j'ai commencé à 17 ans et demi avec Luc Dalale qui a été mon sauveur. J'ai d'ailleurs repris une analyse depuis un an et demi, après, entre deux, avoir perdu presque 10 ans avec une thérapeute escroc (pour ton information et afin que tu l'évites, elle s'appelle Josette Cesroc).

Tu vois flamboyant au niveau social et tout torturé à l'intérieur, ayant encore du mal à m'abandonner, à lâcher prise… mais je me soigne. J'apprécie d'ailleurs beaucoup d'être tombé sur un analyste de culture italienne, il a des fulgurances qui arrivent à me faire dépasser bien plus vite mes vieux radotages.

 

Mais je ne mélange plus ce que je fais en analyse et ma vie, ou pour dire les choses autrement, l'analyse ne m'empêche plus de vivre, comme ça a pu être le cas justement quand j'étais en thérapie avec l'autre "escroque" qui exigeait que tout se passe chez elle… J'ai mis longtemps à comprendre que c'était une secte à elle toute seule. Encore une histoire assez dingue dans laquelle je me suis embringué et dont j'ai eu beaucoup de mal à me sortir. Je te raconterai un jour si ça t'intéresse. Mais, j'avais pas dit quelques lignes plus haut que j'arrêtais avec les idées noires ? …

 

Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça, au risque de te faire fuir ou de passer pour un tordu, mais bon, les apparences, nous pouvons peut-être laisser ça à d'autres et c'est pas à nos âges qu'on va se mettre à jouer les "parfaits" pour plaire.

 

Ce qui est sûr c'est que nous avons pas mal de points en commun.

 

Oui je me sens prêt à changer encore à nouveau radicalement de vie et dans la liste que je t'ai écrite, j'ai oublié homme politique. J'ai un programme qui serait une vraie révolution, mais je ne sais vraiment pas avec qui je pourrais m'associer, car as-tu déjà remarqué que ENA est l'anagramme de ANE, … encore des gens très intelligents qui manquent singulièrement de sens pratique, de bon sens, et surtout qui ont oublié qu'ils sont des êtres humains. D'ailleurs, j'aime tellement les ânes que je trouve que les énarques usurpent totalement les qualités de cet animal (c'est également le titre judicieusement choisi d'un magazine freudien).

 

Bon je vais arrêter là pour cette nuit, d'ailleurs je crois que c'est déjà trop.

 

Je te parlerai de mon ressenti de tes photos une autre fois. Mais à dire vrai, j'ai été "scotché" par tout ce que tu as vu en moi et je crains de n'être pas aussi imaginatif ou / et positif que toi…

 
Amicalement.
 
Luigi

Publié dans LLV - 2 - La rencontre

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