... et pendant ce temps-là...

Publié le par Luigi MANATA

C'est étrange comme cette relation amicale avec Mélusine, alors même que je n'envisageais même pas (ou si peu) qu'il puisse se passer quelque chose de plus, me faisait admettre que ma situation avec Hestia ne pouvait plus continuer en l'état…

 

Si les rêves ont un sens, alors celui que j'avais fait 4 mois auparavant, disait bien que Hestia devait me quitter pour se trouver elle-même et que je n'y pouvais rien. C'était un rêve à plusieurs entrées, de ceux qui disent le présent, le futur et le pourquoi, de ceux où tous les personnages sont en même temps ce qu'ils sont et une part de soi-même…

 

Au début du rêve pendant que je dors, Hestia est partie avec une petite fille, qu'elle tient par la main, parce qu'elle lui a promis de lui montrer un endroit secret dans une forêt. Elle n'a pas voulu me réveiller pour que je vienne, c'est une affaire entre elle et cette petite fille. Mais dans le rêve, je me réveille et comprends ce qui se passe, ça ne me plait pas ; je cours la rejoindre pour la prévenir du danger. Quand j'arrive sur la route de campagne, Hestia et la petite fille sont déjà à l'orée du bois, elles se retournent et me sourient, avant de s'enfoncer dans la forêt. Je veux les rejoindre pour les retenir, mais mon ex psy (l'escroque) me barre le passage, c'est elle qui tient maintenant une petite fille par la main. Nous nous disons bonjour parce qu'on ne peut pas faire autrement, de façon très froide et je passe mon chemin le cœur en morceau. Mais, je ne peux plus rattraper Hestia qui s'est enfoncée dans la forêt… c'est trop tard elle a disparu avec la petite fille dans les limbes.

 

Il m'a fallu 4 mois pour admettre que je n'étais plus perçu par Hestia que comme une entrave, que ce qui avait été brisé ne pourrait plus se réassembler, et surtout que je n'arriverais pas à la convaincre de faire son chemin avec moi, ni de repartir sur de nouvelles bases. Comme les nombreuses personnes qui confondent le travail psychique avec la réalité des actes, elle ne digérait pas le divorce récent de ses parents, de ses sœurs et de découvrir que son père était aussi un homme avec des faiblesses... Qu'est-ce que je pouvais faire, à part être là et continuer à payer pour les autres… De toute façon Hestia devait explorer cette forêt seule...

J'ai perdu deux personnes en même temps : la femme, la petite fille actuelle et peut-être la future. Ce rêve disait même que c'était à cause de mon ex psy, cette dangereuse salope qui a tant œuvré pour nous séparer, avant que dans un réflexe de survie je ne réussisse à choisir Hestia. Mais il était déjà trop tard… Hestia avait décroché et ce qu'elle vivait avec sa famille n'avait rien arrangé. Malgré tous mes efforts, je ne pouvais plus la ramener. Evidemment, ce ne sont pas des choses que j'aime me dire à moi-même.

 

Puis est arrivé l'instant où je n'ai plus pu supporter ce sentiment persistant que je portais le désir pour deux. Tout vaut mieux pour moi que l'indifférence. Combien de fois j'aurais préféré des cris, des reproches, des mots qui blessent, … tout plutôt que cet éternel silence, ces fugues boudeuses et cet apparent désintéressement qui m'anéantissaient.

 

Alors, j'ai fait ce que jamais de ma vie, je n'ai pu seulement imaginer que je pourrais faire. J'ai osé faire pour deux ce qu'elle était dans l'incapacité d'assumer d'elle-même, pour qu'elle retrouve sa cohérence, comme un ultime acte d'amour. J'ai envoyé à Hestia - cette femme que j'aime et que j'aimerai toujours - une lettre de rupture qu'elle n'a pu lire qu'à son retour, le 25 août… Comme une pulsion salvatrice, perdue pour perdue… j'ai posé ma dernière carte.

 

Marvejols le 18 août

 

Hestia,

 

Oui encore une lettre…

 

Il y a longtemps que je te dis que je ne sais plus où tu es. Que sont devenus tes élans, tes désirs, tes attentes ? Ton amour ? Tu m'as quitté (3 fois déjà) et probablement plus parce que je l'ai voulu, qu'à cause de ton désir, tu es revenue. Mais es-tu vraiment revenue ?

 

Peut-être j'ai eu tort d'insister, de vouloir continuer à croire en toi, de te trouver des qualités que toi-même tu sembles vouloir ignorer. Peut-être que j'aurais dû me satisfaire de ce que tu m'avais déjà donné.

Mais comment renoncer à tous ces moments qui m'ont fait croire que nous vieillirions ensemble ? Qu'as-tu fait de ton désir d'enfant ? De ton envie de partager un quotidien ? … De ta joie de me voir, de tous ces moments magiques où rien ne pouvait troubler notre désir d'être ensemble, … Tu t'es tellement durcie que s'en est une douleur à chaque fois que je te vois ou que je t'entends ; comme si tu ne voulais plus rien donner de toi, ni rien recevoir de moi, sans que jamais tu n'aies pu ou voulu me dire ce qui s'était passé pour que tu en sois arrivée là (mais peut-être que c'est ainsi que ton amour évolue habituellement et que tu es simplement dans une répétition…).

Contrairement à moi, tu arrives à vivre sans mettre des mots là-dessus, ils ne semblent pas te manquer ; et j'en suis réduit à faire des hypothèses : qu'est-ce que je lui ai fait ou pas fait ? Qu'est-ce que je suis ou pas qu'elle n'arrive plus à aimer ? Est-ce qu'elle traverse une crise existentielle ou régressive ? Est-ce à cause de moi ? Est-ce qu'elle va mal ? Comment je peux l'aider ? … Sans que jamais tu ne daignes m'apporter des réponses ; aussi incomplètes ou incertaines qu'elles auraient pu être, c'eut été mieux que rien.

 

Par loyauté et surtout parce que je t'aime, j'étais prêt à tout entendre, tout supporter, … même à attendre sans espoir de retour. Je sais, par expérience, que certaines évolutions psychiques demandent du temps, de la concentration, et qu'il reste alors peu de place pour l'autre. Mais ton silence persistant, ton impossibilité à articuler ce que tu vis ont fini par me miner. Tu ne peux même pas dire que tu vas mal, même quand tu en portes tous les signes…

 

Devant ce mur de silence, presque ce mépris, il a bien fallu que je me détermine pour savoir jusqu'où j'étais prêt à subir ton absence de paroles. Mais là encore, j'étais prêt à aller très loin pour toi…

 

Puis, il s'est passé deux choses sans aucun rapport :

1 - Depuis un mois, je tiens une correspondance amicale avec une femme, Mélusine. Je ne la connais pas physiquement, c'est une rencontre de net, faite par l'entremise d'Eva. Nous avons amicalement échangé sur beaucoup de sujets : elle aime écrire et comme tu le sais moi aussi ; et je ne fais aucun autre plan.

Face au désert dans lequel tu me laissais, j'ai simplement été chercher ailleurs pour assouvir mon besoin de paroles.

Je n'avais pas et je n'ai toujours pas l'intention de te tromper (même si je t'ai titillé parfois avec ça en espérant des réactions), c'était juste pour échanger amicalement avec une femme, pour voir si elle pourrait m'apprendre quelque chose sur vous.

Mais ces échanges ont en fait surtout aggravé mon sentiment que notre relation est devenue d'une pauvreté insupportable. Déjà sans que nous l'ayons voulu, nous avons tous deux toujours vécu avec un sentiment de solitude, mais là, par comparaison, la richesse de ces échanges m'a fait me demander si ce que nous vivons, toi et moi, est bien "normal" et si nous ne méritons pas mieux tous les deux.

Pour une (ou des) raison que j'ignore tu as toujours refusé de te livrer à moi et, en parallèle, tu m'entendais à peine lorsque je te parlais de moi, sauf peut-être pour en retenir le plus négatif.

Bref, cette correspondance avec cette femme m'a fait prendre conscience de l'indigence de nos rapports. J'ai aujourd'hui le sentiment que j'ai plus échangé avec elle en un mois, sur des sujets fondamentaux, qu'avec toi en 6 ans. J'ai un énorme regret, car c'est avec toi que j'aurais dû avoir ces échanges… mais encore une fois regarde ce que tu fais de ce que je te donne de moi. Par exemple, tu es la seule personne chez laquelle mes "historiettes" n'ont suscité aucune réaction… Mais si ça t'intéresse encore, je te joins celle que j'ai écrite le soir où j'ai décidé de te parler.

2 - J'ai espéré longtemps que tu prendrais l'initiative de me dire que tu aimerais faire une halte à Marvejols en descendant chez ta mère. Et compte tenu de notre contexte, je souhaitais que ce soit ton désir, sans que je te le suggère ou demande. Mais apparemment ça ne t'a même pas effleurée. Rien ne semble te manquer avec moi et ton "repli" avec tes deux enfants, outre qu'il est devenu une réponse un peu facile à ton absence de désir, ne laisse aucune place à une relation avec moi.

Puis il s'est passé une chose étonnante. Lorsque je t'ai appelée sur la route et que Jérôme a répondu, on entendait très mal. En lui demandant où vous étiez, pendant un instant j'ai cru que vous passeriez par ici, que vous alliez me faire cette surprise que j'espérais depuis si longtemps. Mais vois-tu, en croyant ça, j'ai été saisi d'une angoisse terrible, une panique qui m'a pris d'un coup. Je ne voulais plus du tout que vous veniez… J'ai mis du temps à comprendre que vous n'étiez pas sur la bonne route pour passer à Marvejols et finalement je me suis senti soulagé quand j'ai complètement compris que vous ne viendriez pas ; … ou comment se faire peur pour rien. Et en plus, le soir j'ai oublié de t'appeler pour savoir si vous étiez bien arrivés, alors que je voulais le faire…

 

Alors oui, j'ai la quasi-certitude que c'est fini.

Je t'aime encore et je crois pour l'instant que je n'en aimerai aucune autre aussi fort que toi, mais nous ne ferons pas nos vies ensemble.

Tu es partie trop loin Hestia. A force d'essayer de te retrouver, je me suis perdu et je t'ai perdu… Dernièrement, parce que ce n'est plus moi qui t'appelais, tu me demandais, à moi, "ce que je deviens", sans même mesurer tout le dérisoire de cette question, alors que ça fait des mois que je ne sais plus où toi tu es.

 

Mais peut-être que tu te sens soulagée, que c'est ce que tu attendais ou souhaitais finalement… Une façon comme une autre de mettre fin à quelque chose qui te pesait (mais quoi ?) sans en être vraiment responsable.

D'ailleurs tu prends des dispositions (en cherchant sans moi, un nouveau lieu dans ta banlieue), qui si elles ne m'excluent pas explicitement de ta vie, continuent à rendre difficile tout rapprochement.

 

J'ai beaucoup de regrets et je pense toujours à toi avec beaucoup de tendresse ; mais je ne vois pas ce que je peux faire d'autre, il me semble que j'ai déjà tout tenté pour que tu t'ouvres un peu. J'ai le sentiment que c'est paradoxal d'arrêter une relation d'amour, sans savoir vraiment ce qui nous a conduits à une impasse, sans connaître les raisons de ton retrait, sans véritable motif à part, pour moi, celui de tes silences ; mais je n'ai plus le temps d'attendre quelqu'un qui ne me demande rien, qui ne veut plus rien.

Finalement à force de ne plus vouloir donner aucun sens à notre relation, ça a fini par arriver : cette relation n'a plus aucun sens. Bien sûr, je pourrais me satisfaire de nos brèves rencontres de sexe sans amour, mais j'en sors plus douloureux et frustré à chaque fois. Encore quelques mois de ce régime et je crois que je finirais par te haïr, peut-être même te mépriser. Alors arrêtons-nous avant que nous ne devenions mauvais l'un pour l'autre.

 

Si tu veux me parler, si tu as besoin de quelque chose et même de rien, je serai toujours là pour toi. Mais je sais bien que tu ne le feras pas : tu as trop d'orgueil en toi…

 

 

Je t'embrasse, je te souhaite d'être heureuse avec un homme qui te conviendra mieux.

 

                                                                                  Luigi

 

**********

 

Dès que j'ai envoyé cette lettre, j'ai su qu'elle était plus une provocation qu'un vrai désir de rompre. Comme une ultime tentative pour obliger mon aimée à me sortir du vide dans lequel elle me laissait depuis des mois. Dès son retour, j'ai essayé de renouer les fils en lui laissant des messages, pour lui expliquer, pour lui parler ; mais, j'ai reçu pour seule réponse un SMS : "trop mal pour t'entendre…". Je garde encore sur mon portable ces derniers mots, comme une relique précieuse, et de temps en temps je les relis, comme s'il représentait la seule vérité qu'elle avait pu me dire depuis qu'elle m'avait laissé dans le vide. "Trop mal pour t'entendre", ces seuls mots comme un ultime aveu ; peut-être qu'elle m'aimait vraiment… finalement, peut-être que je n'avais définitivement rien compris… quel gâchis… quelle douleur… Tout ça dans une espèce de schizophrénie où mon amitié grandissante pour Mélusine arrivait à occulter le saut dans le vide que j'étais en train de faire.

 

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