04 / 08 - 00 : 19 - Re : Une journée au milieu des terribles tribus de Lozère par notre envoyé spé...

Publié le par Mélusine SANTINA

 

Oh, je viens de lire ton mail... C'est trop marrant Luigi. Merci de me faire rire...

 
A bientôt,
 
Mélusine
 

04 / 08 - 18 : 33 - Je mets également la physique quantique à plus tard...

 

Cher Luigi,

 
Tu es blessé ? Ça va mieux ?
 

J'ai lu ton deuxième mail ce matin assez tard. L'ordinateur est dans la chambre de Jules, et mon portable étant HS depuis 2 jours, j'ai dû attendre que Jules se réveille pour lui demander si j'avais une lettre de toi. J'ai imprimé et j'ai lu. J'ai lu et relu... Puis, je suis sortie acheter une cartouche de clopes. Je ne sais pas si c'est ce qu'il y avait de mieux à faire, mais comment dire … ton mail m'a mise dans un état de tension un peu panique… enfin, c'est pas vraiment toi, c'est ce que ça réveille en moi…

J'avais arrêté de fumer pendant 3 jours et tout le monde admirait. Depuis, je clope et reclope, mais rassure-toi tu n'y es pour rien.

Ensuite, j'ai joué du piano. Je me suis forcée à déchiffrer une étude de Chopin sur laquelle je suis tombée par hasard hier. J'ai donc massacré les premières lignes de ce morceau magnifique en m'appliquant à le déchiffrer et la musique qui est sortie de là m'a fait du bien. Je me retrouve un peu.

 

Je suis parcourue par tout un tas d'émotions. Mettre un nom dessus ? Je ne le pourrais pas pour l'instant. Mais, j'aime bien être parcourue par un tas d'émotions.

Après tout, je suis faite comme cela alors, laissons faire.

 

Tu constates donc que si je ne suis absolument pas sereine au moment où je te réponds. Où est passé mon Zen ?

 

Je prends la résolution de recommencer à marcher. Demain, j'irai au R.E.R. à pied. 3 km le matin et 3 le soir me remettront les idées en place.

Tout à l'heure, j'irai chez Casto acheter les éléments qui me manquent et ensuite bricolage sans lever le nez. Cela me fera le plus grand bien.

 

Bon, eh bien me voilà prête à écrire.

D'abord, je voulais te dire que je trouve que tu es quelqu'un d'exceptionnel. Tu es pour moi un homme d'exception. Jamais, je n'aurais pensé qu'un homme puisse être ce que tu es. C'est peut-être cela qui "chamboule" mon moi : je remets en cause mes certitudes figées.

Je conçois que ce que je te dis puisse te gêner. Mais, si je veux être honnête, c'est complètement ce que je ressens. Je suis comme une petite fille qui regarde et qui surprise voit tout un monde qu'elle ne connaissait pas et dont elle n'avait même pas l'espoir qu'il puisse exister.

 

Je ne parle pas de qualités ou de défauts. Je serais bien incapable de faire la part des choses et de savoir ce qui est bien ou pas bien chez toi. Je suis d'ailleurs parfaitement incapable d'évaluer ce que sont les qualités ou les défauts. Il y a simplement ce que j'aime bien et ce que j'aime moins ou pas du tout.

 

Mais je parle d'humanité. Je parle de cœur et d'intelligence du cœur. Et pour moi, étonnée, je constate que tu en es pétri et que manifestement tu es très homme.

 

Je ne parle pas non plus de Prince Charmant. Celui-là, il reste figé dans mes fantasmes, d'ailleurs je crois qu'aux dernières nouvelles, il est toujours en fuite avec la femme de chambre de Cendrillon et que plus aucune femme ne le retrouvera...

Depuis que je suis dans la réalité, je trouve souvent que ce qu'elle me propose est mieux que ce que je peux imaginer. Mieux parce que "à vivre" et plus belle parce que mouvante et parce que mon imagination est sûrement bridée par mon vécu et mes expériences passées.

La réalité est quelquefois très dure, mais c'est pour moi la seule chose qui me permette de vivre pleinement.

 

Que je puisse être déçue ? Il est possible qu'un jour je sois déçue. Dans ce cas, c'est que j'aurais extrapolé et attendu de toi quelque chose qui n'est pas toi. Alors, à qui d'assumer la déception ? Si je suis en attente de quelque chose, eh bien il sera juste que j'en assume la suite, non ? Sauf bien sûr si tu m'as menti ou trahi…. Mais là encore, il est probable que c'est parce que j'aurais manqué de vigilance et pris mes désirs pour des réalités. C'est à ceux qui la vivent d'assumer leur déception, même si c'est évidemment plus facile à dire qu'à digérer…

De toute façon pour l'instant, je ne pense pas être en attente d'autre chose que du fait que tu sois toi-même. Et je n'ai aucune inquiétude à ce sujet. Je constate que tu es beaucoup plus toi-même que je ne le suis moi. Et la franchise, j'aime cela par-dessus tout.

 

J'ai passé mon temps à décevoir les gens qui m'entouraient. Cela à commencé par ma famille : mon père, ma mère et mon frère. Je me disais : ils ne m'aiment pas parce qu'ils ne savent pas qui je suis. Alors, je montrais et je leur montrais qui j'étais. Curieusement, plus je leur montrais, moins ils m'aimaient et plus quelque chose en moi semblaient les gêner. Alors, je continuais en me disant : j'ai mal montré, ils ont mal vu. Je vais m'appliquer mieux et ils verront. Un jour, je me suis dis : "ils ont dû voir et quelque chose en moi qui ne leur plaît vraiment pas. " Alors, face à moi-même, il ne m'est plus resté qu'à être ce que j'étais, dans une grande solitude et dans le silence. Ensuite, j'ai été la déception vivante de tous les hommes qui m'ont approchée intimement.

 

Aujourd'hui, je trouve que je suis pas mal. Plus je me connais et plus je m'aime et j'ai même rencontré quelques personnes (elles sont 2) que j'aime et qui m'aiment pour moi. Pas d'hommes encore, mais ma vie n'est qu'entamée. Si je déçois, eh bien je suis très triste parce qu'en général le prix à payer est que l'autre ne m'aime plus. Mais dans ce cas, c'est que nos chemins devaient se séparer.

 

Pourquoi est-ce que je parle de tout cela ? Tu vas me prendre pour une fofolle et pour quelqu'un de pas bien "fini". Ce qui est d'ailleurs peut-être le cas. Encore quelques années d'analyse et le "produit" sera plus affiné.

 

Est-ce que je ressens vraiment que je ne te connais pas ? Eh bien non, en réalité, je crois percevoir très clairement des choses de toi. Ce que j'ai dit de toi précédemment le prouve. Mais, quand je sens la douceur qui coule en moi quand je lis tes mails et quand j'écris les miens, je préfère poser les pieds sur terre et me répéter : je ne le connais pas et il ne me connaît pas. Un peu comme une autruche qui cache sa tête dans le sol et qui se dit toute rassurée : on ne me voit pas, on ne me voit pas...

 

J'ai été très touchée d'apprendre ce qui s'est passé avec ton frère. Je sens que c'est encore douloureux pour toi. Plus tard et si tu veux bien, j'aimerais bien que tu me parles encore de lui.

La vie réserve quelquefois de nous faire vivre ce que l'on ne veut surtout pas vivre. J'en ai malheureusement fait l'expérience aussi. Mais quand on arrive à dépasser la blessure et qu'elle se colmate un peu, après beaucoup de temps, on est changé à jamais. On se sent plus riche dans son cœur, on perçoit dans sa chaire combien la vie est précieuse et comme tout le reste est relatif. Je t'admire encore plus maintenant que je sais que tu as vécu tout cela. Tu as dû tant donner à ton frère et tant recevoir... Cet amour est très beau.

 

Je vais embrayer sur Jules et sur sa relation avec son père, ensuite, basta pour les choses graves et vive la vie, le sourire et l'insouciance... Pour moi, ce sera bricolage jusqu'à la fin de la soirée. Cela me fera du bien.

Pour continuer, je viens de me mettre une nocturne de Chopin. Que c'est beau. A pleurer...

 

Le père de Jules a toujours démissionné devant ses fonctions paternelles. Il faut bien que je fasse cette constatation. Pourtant, il a toujours aimé à sa façon Jules. Quand ils se rencontraient, je voyais bien leur regard l'un envers l'autre. Deux regards qui brillent d'amour pour l'autre. Mais, le regard de Jules a toujours plus brillé que celui de son père.

Quand Jules est né, il pleurait, comme tous les nouveau-nés. Je lui ai parlé avec toute la douceur d'une maman, mais il a continué à pleurer. Son père lui a alors dit "Eh bien bébé, pourquoi tu pleures ?" et Jules s'est instantanément arrêté de pleurer. C'était magique. Il connaissait la voix de son père.

Il était rassuré. Pas par moi qui l'avais porté 9 mois, mais par son père.

 

Son père est parti quand Jules avait 2 ans et demi. Il m'a annoncé la chose pendant la sieste de Jules et j'ai pleuré en disant "Ton père t'abandonne, nous allons vivre seuls. Tu n'as plus de père". J'ai souvent regretté ces phrases si fausses et j'espère que Jules ne les a jamais entendues... Mais...

Bref, depuis les choses ont souvent dû être remises au point : son père l'aimait et c'est lui et moi qui nous sommes séparés. Rien à voir avec Jules qui gardait son père et que son père aimait encore plus qu'avant.

Jules a donc grandi dans l'idée que son père l'aimait beaucoup et que s'il était loin (à Dijon), ce n'était pas parce qu'il ne l'aimait pas au contraire, son père était très fier de Jules.

Bref, tout semblait aller bien. Mais, quand Jules allait à Dijon (2 fois par mois), il en revenait toujours très énervé. Une semaine qui suivait ce genre de week-end, Jules a été vraiment infernal et mal dans sa peau. Un soir avant de s'endormir, il m'a dit : il y a une nouvelle madame Santina. Je l'ai lu sur la boîte aux lettres.

Son CON de père s'était remarié sans en parler à son fils. J'ai expliqué à Jules que de toute façon même si son père ne parlait pas, eh bien cela n'empêchait pas qu'il l'aime et qu'il serait toujours son père.

 

Ensuite, deux frères sont nés et Jules a cru avoir une grande famille. Il était tout content. Il est donc allé avec joie voir ses frères. Et là encore, il s'est pris la claque de sa vie : ses frères lui ont dit qu'ils n'étaient pas leur frère, mais seulement leur demi-frère ce qui d'ailleurs est vrai.

Je n'avais pas préparé Jules et il a pris cela en pleine poire.

Le temps a passé et Jules chaque fois qu'il partait à Dijon pleurait de plus en plus. Il revenait en me disant que son père ne l'aimait pas. Et moi qui continuais : non, je sais qu'il t'aime, je l'ai vu.

Un jour Jules m'a dit avoir, pendant les vacances, reçu 100 000 claques, de la part de son père et de sa belle-mère. Il ne voulait plus les voir.

Il s'est mis à détester sa belle-mère. Son idée était de faire divorcer son père. Il a cru longtemps à ce divorce. Il pensait que c'était sa belle-mère qui faisait que son père ne lui montrait pas son amour. Et Jules n'est plus allé voir son père que très rarement.

 

Vers 13-16 ans l'adolescence est arrivée et Jules a été très rebelle. Il m'a détestée très très fort. La vie était devenue intenable. Crises, colères tous les jours. Il cassait pas mal de choses à la maison. Il commençait à toucher à la drogue (douce) et à errer avec ses copains mi-figue mi-raisin. Je n'avais plus d'autorité et il allait au-delà des faibles limites que je lui avais données. Alors, j'ai averti son père que je n'arrivais plus à élever Jules, qu'il y avait danger et qu'il serait bon de le mettre dans une institution quelques temps pour sa sécurité ou de réfléchir à une autre solution.

Son père a approuvé et je l'ai trouvé très responsable sur ce coup-là, du moins dans un premier temps.

Quelques jours plus tard, je recevais une lettre de convocation au tribunal : son père demandait une diminution de pension alimentaire. C'était sa réponse à notre problème.

Au tribunal, son père et son avocat m'ont entreprise dans les couloirs. J'étais une mère plutôt très mauvaise et mon fils était en grand danger avec moi. Je ne pouvais plus le garder. Ils m'ont dit que Jules était au courant depuis une semaine. Et Jules ne m'avait rien dit. Jules était au tribunal. Il avait voulu venir. Je ne savais pas pourquoi et là j'ai compris. Devant le juge, Jules a déclaré qu'il ne pouvait pas vivre chez son père et qu'il voulait rester à la maison. Mais, j'ai dis oui à tout ce que demandait son père. Il irait vivre chez son père, je verserais la pension alimentaire qu'il demandait. Je paierais tous les voyages d'aller et retour (il habitait Lyon). Le juge a tranché dans ce sens.

En rentrant, Jules m'a déclaré ne pas vouloir partir vivre là-bas. Je lui ai dit que c'était pour son bien et qu'il ne pouvait pas grandir sans autorité et sans respecter le lieu où il vivait.

Et là, j'ai craqué. J'ai réfléchis et une horrible réalité m'est arrivée en pleine poire (ce que je suis parfois…) : tout ça c'était pour l'argent. Son père ne versait plus de pension. Moi j'en donnais une beaucoup plus grosse. Et avec les allocations familiales, il gagnait pas mal chaque mois. Très radin, je savais qu'il ne dépenserait rien pour Jules.

Le matin j'ai parlé sérieusement avec Jules : s'il voulait vraiment rester à la maison, il fallait qu'il s'implique, il fallait qu'il me le prouve. C'est lui qui allait devoir se battre, puisque mon autorité était complètement démontée au tribunal. S'il se battait, je l'aiderais à fond. Nous sommes allés à Lyon un jour pour voir le lycée dans lequel son père l'avait inscrit. C'était une horreur : un lycée complètement défoncé et en pleine ZUP. Une bataille s'en est suivie entre son père et Jules ; car le père alléché, ne voulait pas laisser partir sa proie. Jules a pris un avocat pour enfant. Il s'est inscrit dans un lycée où l'on rentrait sur dossier et où l'on était sûr de réussir son BAC.

Il a fait tout cela tout seul. Le jour où il devait partir chez son père, il n'est pas parti. Nous avons attendu les flics. Ils ne sont pas venus.

 

Tout a été régularisé l'année suivante au tribunal et son père en a profité pour faire baisser à nouveau la pension qu'il payait. Peu m'importait, Jules avait son toit pour grandir.

Je crois que là, Jules a vraiment vu son père sous son vrai visage. Pour la première fois, il a compris qui était son père... Il croyait que c'était moi l'ennemie à combattre et il a finalement réalisé que je ne faisais que le protéger d'une déception certaine.

 

Depuis, il va de moins en moins le voir. A ses 18 ans, il a attendu un geste de son père. Jules était avec lui et sa famille à Nice en vacances. Le soir, il m'a téléphoné : "papa ne m'a pas fait de cadeau". Il est reparti comme si de rien n'était. J'avais tellement mal pour lui.

Dernièrement, il a voulu descendre à Lyon pour présenter Juliette, sa copine. Son père n'était pas chez lui, il a fallu qu'il demande l'autorisation à sa belle-mère pour l'attendre et cette garce n'a pas voulu les recevoir.

A Noël, il a accompagné son père qui achetait des cadeaux pour ses 2 autres fils. Il a attendu un peu pour lui. Et rien. Il a trouvé ça trop injuste.

Pour ces 20 ans, Jules a attendu un coup de fil. Pas de coup de fil.

 

Pour Jules aujourd'hui, son père est un "Mon Beauf Bidochon" et je me sens tellement coupable de lui avoir donné un tel père.

 

Voilà pour la relation père fils. Jules a très bon cœur, je sais qu'il pardonnerait à son père si celui-ci lui montrait un peu d'amour. Mais...

 

Tu m'as demandé si j'aimerais avoir un autre enfant. Il y a quelques mois, j'aurais répondu "NON" sans hésiter. Mais aujourd'hui, après y avoir réfléchi plusieurs fois, je réponds OUI j'aimerais avoir un autre enfant. Mais seulement avec un homme que j'aimerais et qui pourra et qui sera pleinement père. Quoi de plus beau quand on s'aime, de continuer cet amour dans un petit être que l'on accompagne ensemble.

 

Voilà, je te quitte et te dis à bientôt cher Luigi.

 
Mélusine
 

PS : je n'en peux plus. Ce message a vraiment été difficile à faire pour moi...

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